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Le curé de la paroisse se rebelle - la chouannerie dans notre pays sarthois
"Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse [ou du diocèse] qui m'est confiée,
d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir
la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. "
Texte du serment élaboré par l'Assemblée Nationale Constituante en date du 27 Novembre 1790.
Mais un prêtre jureur est traître à Sa Sainteté le Pape puisque Pie VI condamne la constitution civile du clergé le 10 Mars 1791.
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Par sorges le 16 Mars 2012 à 17:16
La Révolution française a organisé un processus de déchristianisation en confisquant les biens de l’Église et en fermant les yeux sur la destruction de lieux de culte, livrés à la vindicte populaire. En 1792, les membres du clergé refusant de prêter serment à la Constitution civile du clergé étaient immédiatement exilés, quand ils n’étaient pas massacrés !
L'abbé ACHARD doit, suite à une décision du 23 Février 1790, lire les décrets de l'assemblée constituante ; celui-ci ayant refusé le 13 avril de reconnaître le catholicisme comme religion d'état, le 20 avril suivant, l'administration de ses biens est retirée à l'église. Le presbytère et l'église de FILLÉ sont achetés par les citoyens Héron et Tanchot pour la somme de 1697 écus.
Le 21 Mars 1790, la gabelle est supprimée.
Par ailleurs, dans le livre de René Plessis (publié dans les collections Persée) concernant "LES INVENTAIRES APRÈS DÉCES - UNE PISTE D'APPROCHE DE LA CULTURE MATÉRIELLE DES CURÉS DU HAUT MAINE AU XVIII° SIÈCLE" et plus particulièrement au chapitre "ANNALES DE BRETAGNE et DES PAYS DE L'OUEST" (pages 411 à 420), l'auteur commençait son chapitre en indiquant qu'en 1790 l'Abbé Girault, après analyse des revenus des curés de l'actuel département de la Sarthe concluait à l'honnête aisance du clergé du Haut-Maine à la veille de la Révolution. Pour ce faire, l'historien ne dispose guère que des inventaires après décès.
A la page 412 du document, l'auteur nous révèle que lors de la vente de René Bruneau, curé de Spay, les héritiers isolent l'argenterie estimée à 1019 l., donnent à son successeur l'Abbé Chédieu, 12 cuillères et 12 fourchettes, 2 cuillères potagères et une à ragoût pour le remercier et se partagent la douzaine de couverts et les menus objets qui restent.
Les travaux de l'Abbé Girault précisent qu'en général, notaire, priseurs et requérants pénètrent dans la cuisine du presbytère où la cheminée haute et large, âme de la pièce, attire leur attention...
Puis, il décrit "une table massive de chêne avec ses bancelles, en plus, parfois, une table ovale en sapin avec quelques chaises d'aulne garnies de joncs comme à Spay en 1789..."
./...
"Mais à Spay, trois ans plus tôt, les deux "filles" (servantes) disposent d'une petite chambre mitoyenne, la cuisine n'a plus qu'une fonction...".
Enfin, l'auteur nous indique que les curés du Maine ont en général une chambre dotée d'une cheminée et que plus tard, une ou deux pièces supplémentaires (salon ou salle de réception) et en conclusion qu'ils sont majoritairement des notables dans le village et qu'ils adoptent un comportement de "bons vivants" à Fillé tout comme à Spay sans aucun doute.
(extrait des Inventaires après décès : une piste d'approche de la culture matérielle des curés du Haut-Maine au XVIII° siècle).
En 1885, F. Legeay publie un recueil intitulé "Documents historisques sur la vente des biens nationaux dans le Département de la Sarthe" concernant principalement les biens d'église à savoir les presbytères, les églises, les abbayes, les chapelles, les monastères mais aussi les biens des émigrés à l'époque révolutionnaire. A cette époque, l'auteur reproche à l'Administration d'avoir laissé dans l'ignorance les noms de ceux qui les avaient achetés et le prix qu'ils les avaient payés en précisant, toutefois, que ces biens avaient été achetés par des personnes honorables dans le seul but d'empêcher leur destruction. Il indique également "qu'aujourdhui (donc en 1885) on se montre moins difficile sur ces communications et nous en félicitons l'Administration". Il rajoute : "qu'il serait vraiment triste qu'au XIX° siècle on ne peut écrire l'histoire du XVIII° siècle que d'après des documents d'une authenticité incertaine ou contestable"
- Fillé : presbytère, église et cimetière adjugés à François Louchet et Pierre Héron de Fillé-Guécelard pour 5.455 livres.
Source : Documents Historisques sur la vente des biens nationaux dans le département de la Sarthe par F. Legeay publié en 1885.
En 1791, dès janvier, les municipalités de la Sarthe ayant recensé des églises se voient contraintes de faire jurer fidélité aux prêtres. 422 jurèrent alors que 632 se déclarèrent réfractaires ; suite à ce décret demandant aux prêtres de prêter serment, le Curé Achard semble s'y soumettre puis se rebelle. Dans les murs du château de la Beunêche est installé une cache permettant au prêtre réfractaire de se réfugier sans être inquiété. Fidèle aux réfractaires, les populations aidaient souvent à les cacher.
En juin 1792, grand tumulte à FILLÉ : des lettres de délation ont été envoyées au conseil général (acfm) et aux conventionnels, le curé Achard porterait des jugements "hardis" au sujet de la constitution civile du clergé. Des espions agissant aux ordres de Levasseur et payés sur les fonds secrets par Jacques-François Bollengier-ex curé de Dollon, chef du bureau de police viennent questionner les habitants. On les épit jusqu'en dans le tripot de la maison du Passeur. On aperçoit même des inconnus lors des prêches que fait le Curé Achard chaque dimanche.
Or, suite à des lettres de délation, de jeunes énergumènes agités venus du Mans, ceints de nouvelles tenues à la mode "révolutionnaire" haranguent les paroissiens à la sortie des offices. Des zélotes applaudissent à leurs discours et fustigent le citoyen "Beauvais" qui les accable de taches, de taxes et de charges en tous genres.En Août 1792, chaude ambiance dans tous les sens du terme car en plus de fortes chaleurs avec un air desséchant à souhait, le trouble règne partout et le comité révolutionnaire de la Sarthe soumis aux ordres du Conventionnel Levasseur fait condamner 112 prêtres à 10 ans d'exil en terre espagnole.
Ces premiers paragraphes en lettres bleues concernant l'abbé Achard sont extraits des Données chronologiques sur l'histoire de Fillé sur sarthe remises par Pierre Gouet au Maire de Fillé (Pierre Gouet 2005/2006).
"Au Mans, ces prêtres réfractaires rebelles à la Nation et à la Loi sont enfermés dans le séminaire de Coeffort où ils subirent toutes sortes de mauvais traitements mais ils apprirent que depuis quelques temps, un bruit courait qu'un décret de déportation était rendu à leur encontre. C'est sans résistance qu'ils se rangèrent un matin d'août 1792 dans la cour du Séminaire pour prendre la route en direction de la Flèche car, comme dans le sens de la Révolution, il fallait faire sentir au peuple que les prêtres étaient coupables : il fallait que l'innocence fût opprimée.
C'est ainsi qu'ils arrivèrent à Guécelard pour le déjeuner, escortés d'hommes de la garde."
(extrait des "Crapauds de nuit") Edition du Cherche-Livre par Jean-Jacques Loisel.
En représailles, le Curé Achard fut également traîné de force pour rejoindre ces curés réfractaires destinés à l'exil. Suite à ce grand tumulte, un de ces prêtres réfractaires écrit qu'à l'auberge de Fillé-Guécelard où ils faisaient une halte pour se désaltérer et manger, les "crapauds de nuit" (c'est ainsi qu'on désignait les prêtres réfractaires à l'époque) se virent entourés par les habitants proches qui leur témoignèrent douleur et compassion et les larmes aux yeux dirent adieu à leur curé, étonnés de les voir si déterminés dans leur choix et si sereins.Extrait des Données chronologiques sur l'histoire de Fillé sur sarthe remises par Pierre Gouet au Maire de Fillé (Pierre Gouet 2005/2006).
"Sous la chaleur accablante, l'ordre de marche fût donné et sous les huées et les injures, ils continuèrent leur route.
Après avoir traversé Angers, Ancenis, Oudon, ils arrivèrent fin septembre dans le Port de Nantes. Dans la rade de Paimboeuf, ils embarquèrent, le 1er Octobre, sur le vaisseau "l'Aurore" en direction de l'Espagne."
(extraits prêtres réfractaires de l'Ouest). PM
Dans le bulletin de la Commission Historique et Archéologique du Maine de 1913, un article est consacré à une enquête sur le Clergé de l'AN IX à l'an XIII. Louis-Marie Auvray note d'ailleurs qu'il n'existe pas un département plus fertile en prêtres que la Sarthe et une annotation est apportée sur tous les prêtres (réfractaires ou non) du département. Concernant Fillé-Guécelard, il est précisé : " Achard (Curé) Honnête, talents ordinaires (sic), rappelé par les habitants, n'est pas encore de retour".
sources : BNF.Fr Gallica Presse et revues bulletin de la Commision Historique et Archéologique du Maine de 1913.
(André Raguideau).- 1 PERCEPTEUR(Guillaume Duhoux)Cette vue est la propriété de BNF,Fr Bibliothèque Nationale de France, Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet ainsi que Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog Merci,
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